Marie a adopté deux beaux garçons, âgés aujourd'hui de 6 ans et 2 ans. Avec grande gentillesse, elle a accepté de répondre au questionnaire proposé pour partager avec nous son expérience de l'adoption. Voici ses réponses.
« Adoptez-vous un enfant ou un enfant polynésien ? »
1) Comment avez-vous connu l’existence de cette pratique ?
La première fois que l’on nous a parlé d’adoption en Polynésie - et que l’on nous a expliqué les 2 ans de DAP - nous avons rapidement écarté cette idée - trop risquée !
Et puis l’attente a eu raison de notre raison ...
2) Qu’est-ce qui selon vous rend cette « adoption » si particulière ?
Savoir que ces mamans - car deux mamans et deux enfants dans notre cas - ont eu assez confiance en nous pour que nous élevions leurs enfants, et confiance en notre parole de garder le lien. Je garde le souvenir de cette juge - pour notre deuxième adoption - disant à la la maman biologique : " les parents adoptants vous disent qu’ils vont donner des nouvelles, mais une fois sortie d’ici, tu n’en auras
peut-être plus jamais ! "
"les parents adoptants vous disent qu’ils vont donner des nouvelles, mais une fois sortie d’ici, tu n’en auras
peut-être plus jamais ! "
3) Racontez-nous comment vous avez rencontré les parents de votre enfant.
Pour notre fils aîné: Nous avions programmé un premier voyage de 2 semaines en Polynésie, juste pour voir .... (et surtout en faisant le maximum pour ne pas nous mettre la pression !). Nous avions commencé à parler de notre projet autour de nous.
Quelques semaines avant notre départ, nous avons reçu un coup de fil d’un collègue de mon mari qui nous disait qu’une jeune fille, dans une des îles de l’archipel de la Société, souhaitait confier son enfant ... Ça tombait bien puisque nous avions prévu de passer par cette île (3 jours !). Donc nous voilà partis, nous rencontrons la jeune fille et une partie de sa famille, exposons notre situation et notre projet et convenons de nous revoir plus tard dans la journée.
Nous nous retrouvons donc plus tard et là on nous dit « c’est bon » (euh ..... c’est bon quoi ??).
"Nous nous retrouvons donc plus tard et là on nous dit : c’est bon!"
Pour notre deuxième fils.
Cela ne s’est pas passé en Polynésie mais dans un autre pays du Pacifique et selon un peu les mêmes traditions finalement ... Là aussi nous avons parlé de notre recherches autour de nous et un jour un coup de fil : il y a un petit garçon de 1 mois que sa famille ne peut pas garder ....
Là, de savoir ce petit bonhomme qui deviendrait peut-être notre fils nous attendre quelque part ça a été quelque chose !! Surtout qu’il a fallu attendre, vérifier que l’adoption était faisable d’un point de vue administratif ...
Il me démangeait de sauter dans l’avion !! Surtout lorsqu’on a reçu une photo (un peu floue en plus ...) !
4) A quel âge avez-vous accueilli votre enfant dans votre famille ?
Pour notre fils aîné.
Nous voilà rentrés chez nous, nous gardons le contact très régulièrement par téléphone avec la maman biologique, nous suivons la grossesse à distance. Puis, un mois avant la date du terme nous retrouvons la maman biologique à l’aéroport de Tahiti-Faaa, avec son très gros ventre !! Nous attendons ensemble l’arrivée de bébé. Le jour de la naissance je serais invitée dans la salle d’accouchement à la 3ème minute de vie de mon fils et pourrait très vite le prendre dans mes bras, lui donner son premier biberon, ... et le présenter à son papa qui nous attend dehors !
Pour notre deuxième fils. Nous avons retrouvé la maman à l’aéroport là aussi, elle arrivait juste de son île ... mais cette fois ce n’était pas un gros ventre qui nous attendait mais un petit bébé dont le visage était à peine visible sous une grosse couverture ! Il avait 2 mois tout juste !
5) Quel âge a votre enfant aujourd’hui ?
Nos garçons ont 6 et 2 ans.
6) Connaît-il ses parents fanau (de naissance) ? Les fréquente-t-il ?
7) Pose-t-il des questions à leur sujet ? Concernant son appartenance à la culture ma’ohi ?
8) Si vous vivez en métropole, souhaitez-vous revenir au Fenua ? Rencontrer à nouveau sa famille d’origine ? Lui faire découvrir le Fenua et la culture polynésienne ?
Nous sommes retournés sur l’ile d’origine de notre fils aîné lorsqu’il avait 2 ans et demi. Toute la famille (grand-parents, oncles et tantes) était ravie de nous revoir et de le voir. Certains nous ont aussi raconté que nous étions les seuls (sur 3 enfants donnés dans cette famille) à revenir et qu’ils étaient tellement tristes de ne pas avoir revu les autres, voire de ne presque plus avoir de nouvelles. Depuis nous continuons de donner des nouvelles par téléphone ou courrier (photos) quelques fois dans l’année. Nous aimerions y retourner d’ici 2 ou 3 ans maximum. Notre fils a accès aux photos, il connaît ses origines, bon il n’a que 6 ans alors c’est encore flou tout ça pour lui ...
"Certains nous ont aussi raconté que nous étions les seuls à revenir (sur trois enfants donnés dans cette famille) et qu’ils étaient tellement tristes de ne pas avoir revu les autres, voire de ne presque plus avoir de nouvelles"
Pour le second, je suis beaucoup plus souvent en contact avec sa maman biologique, nous sommes assez proches. Nous ne l’avons pas encore revue mais nous irons c’est sur !
J’ai une grande nostalgie de la culture polynésienne, de l’ambiance, du tempérament polynésien ... D’ailleurs je me suis mise à la pratique du Ori Tahiti (la danse tahitienne) !!
9) Avez-vous choisi une adoption plénière ou une adoption simple ? Pouvez-vous nous expliquez votre choix ?
Adoption plénière. Ça nous paraissait plus simple par rapport à la loi française. Et avec le recul cela correspond aussi je pense à notre désir d’adopter pleinement cet enfant ....
10) Votre enfant a-t-il manifesté un mal être ou au contraire une fierté à l’adolescence vis à vis de son « entre cultures » ?
Cela n’a pas encore lieu d’être.
11) Pensez-vous que grandir entre 2 cultures soit un problème ? Un atout au contraire ?
Je pense que grandir entre 2 cultures n’est pas facile. J’ose espérer que ce sera un atout plus tard.
12) Avez-vous rencontrer des difficultés que vous souhaiteriez partager avec nous ?
Oui. Une adoption qui ne s’est pas faite ... La maman s’est rétractée après 24 heures. Nous avions attendu cet enfant plusieurs mois. Nous avions vécu avec les parents biologique les dernières semaines. Nous avons eu beaucoup de mal à accepter que la parole donnée soit reprise - nous étions tellement confiants - mais c’était leur droit !
"Nous avons eu beaucoup de mal à accepter que la parole donnée soit reprise mais c’était leur droit ! "
13) Souhaiteriez-vous partager autre chose avec nous ?
Ce serait ma conclusion. C’est une aventure pas toujours facile, apprendre à faire confiance, perdre confiance puis la retrouver .... La confiance, d’un côté comme de l’autre, est peut-être l’une des clés d’une histoire réussie...
Au Vanuatu, la pratique d'adoption semble assez similaire. En tout cas pour ce qui nous concerne, nous avons veillé, avant de nous lancer, à ce que la maman, le papa, mais aussi la famille, et le chef du village soient tous d’accord pour que nous puissions adopter cet enfant. De leur côté il s’agissait simplement de s’épargner une bouche de plus à nourrir .... Et nous avons veillé à respecter la coutume une fois l’adoption prononcée, en offrant quelques menus présents (essentiellement de la nourriture, ainsi que un matelas, ...) en « remerciement ».📷
Nous avions l’expérience de notre première adoption et que cela nous avait permis de mesurer cette immense chance de pouvoir garder le lien avec la famille biologique, nous en avons naturellement fait de même ...
Nous avions l’expérience de notre première adoption et que cela nous avait permis de mesurer cette immense chance de pouvoir garder le lien avec la famille biologique, nous en avons naturellement fait de même ...
Un immense merci à Marie pour son témoignage et la précision de ses réponses. Ce qu'elle nous partage nous éclaire sur les liens qui se nouent et l'importance de la confiance mutuelle. Encore merci Marie pour ce cadeau que tu nous fais.
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