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Le témoignage de Carole


Carole entourée de ses soeurs

Carole est née au Fenua, elle a été confiée selon la tradition fa'a'amu peu de temps après sa naissance à ses parents adoptifs et elle a grandi en métropole.

Elle a accepté de partager avec nous son témoignage et son expérience en répondant à quelques questions.


Un grand mauruuru à toi Carole ! J'espère que le récit de ton vécu aideront ceux qui nous lisent à la compréhension de cette coutume fa'a'amu, à l'appréhender dans sa beauté, son humanité tout en réalisant bien la difficulté de conserver ce lien familial, à distance du Fenua. Pourtant, tu es la preuve qu'avec beaucoup d'amour et d'intelligence, c'est possible ! Bravo à toi et tes familles ! Mauruuru roa !




1) Comment et quand avez-vous appris l’histoire de votre adoption ? J’ai toujours su que j’avais été adoptée, mes parents adoptifs nous avaient raconté notre histoire, à mon frère adoptif et moi, quand nous étions très petits.

2) A quel âge avez-vous été adopté (e)? J'avais seulement deux semaines.

3) Quels rapports entretenez-vous avec votre famille fanau (de naissance) ? J’ai commencé à entretenir une correspondance avec mes sœurs biologiques vers l’âge de douze ans quand j’ai appris leur existence. Depuis, nous avons toujours gardé contact par courrier, nous nous envoyions des photos, puis par Facebook et jusqu’à maintenant. Je suis venue vivre au fenua pendant deux ans, ce qui m’a permis de créer des liens avec famille fanau que je considère aujourd’hui comme ma famille aussi.

4) Vous sentez-vous polynésien(ne) aujourd’hui ? Oui.

5) Si vous avez grandi en métropole, avez-vous été au contact de la culture ma’ohi pendant votre enfance (regroupements culturels, voyages au Fenua, informations par vos parents adoptifs…) ? Oui. Mes parents adoptifs me parlaient de la Polynésie, ils m’ont appris quelques mots en tahitien, nous regardions des reportages parfois, nous faisions des journées de rencontres avec d’autres parents adoptifs d’enfants polynésiens.

6) Etes-vous revenu une ou plusieurs fois sur le Fenua ? Je suis revenue une première fois en 1999 avec mes parents et mon frère pour rencontrer ma famille biologique, une promesse qui avait été donnée lors de mon adoption.

Je suis revenue une deuxième fois en voyage pour mes trente ans.

Et je suis revenue une troisième fois pour y vivre et y travailler dans le cadre d’une mutation professionnelle de deux ans.

7) Envisageriez-vous de revenir vous installer au Fenua ? Je l’ai fait, j’ai demandé ma mutation en Polynésie et j’y ai vécu de 2016 à 2018. Je viens de rentrer en France il y a quelques semaines seulement.

8) Avez-vous rencontré votre famille fanau ? Racontez-nous comment cela s’est passé. L’accueil était –il chaleureux ? Comme je l’ai dit au-dessus j’ai rencontré une premère fois ma famille fanau en 1999, l’accueil était très chaleureux d’après mes souvenirs, il y avait une petite retenue car nous ne nous connaissions pas, c’était une situation un peu bizarre pour moi, et eux aussi j’imagine. Mais j’ai pu passer du temps avec eux, sans mes parents fa'a'amu, et faire connaissance, et je me suis sentie bien accueillie et de plus en plus à l’aise.


Quand je suis revenue en 2014 avec mon conjoint l’accueil a été royal, nous avons vécu une semaine chez ma famille et tout le monde a fait en sorte que notre séjour soit inoubliable et ce fût le cas.


Quand je suis revenue pour m’y installer en 2016, j’étais seule et j’ai encore une fois été très bien accueillie. J’ai vécu deux mois chez mes parents fanau avec mes sœurs et mon frère et tout le monde a fait en sorte que je m’y sente bien. Je me suis vite sentie à ma place, « chez moi ».


"Je me suis vite sentie à ma place, « chez moi »".


9) Souhaitez-vous maintenir des liens avec votre famille biologique ? Bien sûr.

10) Avez-vous des frères ou sœurs biologiques ? Quels sont vos rapports ? J’ai deux grandes sœurs et un petit frère qui est beaucoup plus jeune. Mon petit frère, je n’ai pas pu le voir beaucoup car quand je suis arrivée en août 2016 et il est parti pour l’armée en France un mois plus tard. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour se connaître.


Mes deux grandes sœurs par contre, j’ai pu passer deux années à leurs côtés. Nous n’avions pas grandi ensemble, nous ne nous connaissions que par les lettres, Facebook et une semaine de vacances, ce qui n’était pas beaucoup finalement. Et pourtant, au bout de quelques jours seulement, nous nous parlions comme si nous nous connaissions depuis la naissance. Il n’y a pas eu un seul moment de retenue, nous avons créé cette relation de sœurs très rapidement, comme si nous n’avions jamais été séparées.


"Il n’y a pas eu un seul moment de retenue, nous avons créé cette relation de sœurs très rapidement, comme si nous n’avions jamais été séparées"


11) Est-ce pour vous un problème ou au contraire un atout de vivre cet « entre cultures » ? Les deux.

C’est un atout car c’est une richesse d’avoir deux cultures, surtout qu’elles sont très différentes ; et aussi ça forge une personnalité ouverte et curieuse. On se sent chez soi des deux côtés. C’est aussi une contrainte car pendant l’enfance et à l’adolescence, on passe par des moments difficile, la quête de l’identité, de ses origines est un chemin très compliqué et parfois douloureux.


"C’est aussi une contrainte car pendant l’enfance et à l’adolescence, on passe par des moments difficile, la quête de l’identité, de ses origines est un chemin très compliqué et parfois douloureux"


Maintenant que j’ai pu vivre à Tahiti, avec ma famille fanau, j’ai créé des liens affectifs avec eux, avec la Polynésie, qui n’existaient pas forcément avant. Du coup je serai toujours en manque d’une partie de moi, que je sois en France ou à Tahiti, l’autre côté, l’autre famille, l’autre culture me manquera toujours. Je serai toujours « incomplète ».


"Je serai toujours « incomplète »"


12) Diriez-vous que pour vous cette adoption fût une « chance » ou pas ? Pourquoi ? Globalement oui, ce fût une chance. Je trouve que ma vie, grâce à cela, a été riche, intéressante, complexe, et que mon expérience m’a beaucoup apporté. Il y a tellement de choses à raconter, d’aspects à explorer dans ce parcours que j’ai eu, je trouve ça extraordinaire. Et cela n’aurait pas été le cas si je n’avais été adoptée dans la tradition fa'a'amu, si j’avais eu une adoption classique qui coupe le lien avec la famille biologique.


"Et cela n’aurait pas été le cas si je n’avais été adoptée dans la tradition fa'a'amu, si j’avais eu une adoption classique qui coupe le lien avec la famille biologique"


13) Souhaiteriez-vous partager autre chose avec nous ? Je voudrais dire merci à tous les « acteurs » de mon adoption.

- Mes parents fa'a'amu qui ont fait les choses de la meilleure façon possible, en ne me cachant rien, en gardant le lien avec ma culture d’origine, en tenant leur promesse de donner des nouvelles à ma famille biologique, en m’amenant les rencontrer en 1999 et en acceptant de me laisser partir vivre là bas en 2016 malgré leurs craintes. Ils ne se sont jamais interposés entre moi et mes origines, au contraire ils m’ont toujours encouragée, encore une fois malgré leurs craintes.


"Ils ne se sont jamais interposés entre moi et mes origines, au contraire ils m’ont toujours encouragée, encore une fois malgré leurs craintes"

- Mes parents fanau qui ont pris une décision difficile il y a 35 ans et en ont toujours gardé la culpabilité alors qu’ils ont fait ce qu’ils pensaient être au mieux pour leur enfant. Ils m’ont accueillie pendant ces deux dernières années comme leur fille, même si je n’ai pas grandi avec eux.


"Mes parents fanau qui ont pris une décision difficile il y a 35 ans et en ont toujours gardé la culpabilité alors qu’ils ont fait ce qu’ils pensaient être au mieux pour leur enfant"

- Toute ma famille fanau qui, pendant deux ans, a fait au mieux pour que je me sente chez moi, en me traitant comme un membre de la famille et pas celle qui débarque de France. Grâce à eux je me suis sentie bien dans ma culture, dans ma famille, dans ma vie tahitienne.

- Mes sœurs qui pendant deux ans ont tout fait pour moi, ont veillé sur moi, ont été présentes quand j’avais besoin d’elles. Malgré nos différences, elles ont essayé de me comprendre.


Malgré nos différences, elles ont essayé de me comprendre.

- Mon frère adoptif d’avoir toujours été là pour moi, même quand j’étais à Tahiti et dans les moments compliqués aussi.

Merci à tous je suis vraiment chanceuse .

Et fa'a'ito'ito à ceux qui cherchent encore leur chemin, l’adoption fa'a'amu est une aventure extraordinaire mais dont il ne faut pas sous-estimer les conséquences.








Merci toi Carole Maeva ;-)

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